Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/97

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— Vous êtes sujette aux coups de sang… Faut faire attention à vot’ manger. Ah ben !… Si vous alliez crever d’un coup de sang ?… Voyez-vous ça… non mais, voyez-vous ça ?…

Les lèvres affreusement pincées, elle ajouta, plus bas…

— C’est ben assez bon pour une vieille carne comme vous…

Jaulin eût mis plus de ménagements dans ses observations. Il avait de l’éducation. Mais Mme Jaulin jeune, petite femme noiraude et sèche, à museau de rat, ne posait pas à la mijaurée, pas plus qu’elle ne dissimulait la haine violente qu’elle avait toujours eue pour sa belle-mère.

— T’as tort… t’as tort… disait Jaulin, bonhomme… On peut penser ce qu’on veut, bien sûr… Mais il ne faut point parler comme ça. Les paroles… C’est dangereux… Plus tard… on ne sait jamais !…

Dans ces combles obscurs, si glacés l’hiver et l’été si étouffants, les jours, les nuits aussi, se suivaient et se ressemblaient. Ne sachant que faire et ne pouvant pas dormir la vieille parlait toute seule, parlait… parlait… soupirait, se lamentait, maugréait, tempêtait contre « ses enfants ». Quand elle avait trop froid, elle essayait de se réchauffer, en s’accroupissant