Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/114

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Hélas ! ni devant, ni derrière, ni à droite, ni à gauche… Situation douloureuse et sans issue. Ce qu’elle dut en entendre, la Vérité, comme toujours !

Au cours de leurs travaux, les deux sculpteurs avaient eu des mésententes assez pénibles. Cette dernière aventure n’était point pour les dissiper. Ceux qui connaissent le cœur des hommes, surtout le cœur des artistes, qui sont deux fois des hommes, peuvent se faire une idée de ce qui se passa entre Constantin Meunier et M. Alexandre Charpentier. Ils en arrivèrent, dans leurs rapports, à une tension telle, que l’artiste belge, irrité de l’ingérence dominatrice de son collaborateur, et pensant que son influence avait pu être déprimante, finit par se priver de ses services. Peut-être eût-il dû commencer par là.

Resté seul, le pauvre grand sculpteur fut bien embarrassé. Faut-il croire, comme d’aucuns l’affirment, que l’atmosphère de Bruxelles, aujourd’hui, est funeste à toute création artistique ? Ou bien, Constantin Meunier était-il trop vieux ? Manquait-il de cette ardeur d’imagination qui tant de fois corrigea ce que son métier avait d’insuffisant ? Il essaya quantité de combinaisons qui ne réussirent point. Finalement, après des jours d’efforts, après des luttes douloureuses avec son œuvre et avec lui-même, il en vint à cette conclusion stupéfiante : que, esthétiquement, du moins, les deux figures de la Vérité et de Zola s’excluaient, qu’il fallait choisir entre la Vérité et Zola et ne plus tenter de les associer l’une à l’autre, en bronze. Et il choisit Zola, réservant la Vérité pour une destination inconnue.

On prétend que l’irritation, le chagrin, l’état de lutte constante où il avait dû se mettre vis-à-vis de M. Alexandre Charpentier, la déception, tout cela ne fut