Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/13

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

licorne qui m’emporte, sans secousses, le cerveau plus libre, l’œil plus aigu, à travers les beautés de la nature, les diversités de la vie et les conflits de l’humanité.



Eh bien, faut-il vous le dire, cher monsieur Charron ? J’ai beaucoup hésité, avant d’inscrire votre nom en tête de ce petit volume… J’avoue que, durant quelques heures, j’ai manqué de courage… Voilà un bien gros mot, n’est-ce pas, pour une chose pourtant bien naturelle et bien simple… C’est que je connais les hommes de mon temps, surtout de mon milieu. Leur bienveillance si connue, leur indomptable morale et l’intransigeance de leurs vertus, m’ont positivement effrayé… Mais le sentiment très vif que j’ai de ma liberté, l’horreur, non moins vive, que j’ai des usages reçus et des pratiques courantes, mon immoralité, pour tout dire, eurent vite fait de surmonter cette terreur passagère et absurde… Si on les écoutait, ces braves gens-là, on ne ferait jamais rien de ce que l’on veut et de ce qui vous plaît… Laissons-les dire…

Laissons-les dire, mais profitons de cette circonstance pour risquer quelques observations…