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Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/181

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— Uné femme tellément brave… tellément économe !…

Il s’animait. Son haleine devenait insupportable. Je remarquai qu’il parlait presque sans colère et comme sans douleur… Peut-être n’avait-il plus la force d’en exprimer !… Et ce furent mes yeux que je sentis se remplir de larmes…

— C’était pas assez… Ils ont pris les corps… ils ont pas voulu rendre les corps, enterrés, la nuit, morts et blessés, pêlé-mêle, on né sait où… Ils ont massacré des juifs, et ils ont pillé, pendant sept jours… Nous pouvions pas résister… Comment aurions-nous pu, mossié ? Et ils nous giflaient… et ils donnaient des coups dans lé ventre… et ils crachaient encore sur nous… Pourquoi ?… Ach !… Pourquoi ?…

Des incendies s’allumèrent qu’on n’éteignait pas… La plus grande partie du pauvre quartier fut détruite… Un de ses enfants mourut, encore, à l’hôpital, d’un coup de talon de botte qui lui avait fendu le crâne… Et de neuf qu’ils étaient auparavant, à peu près heureux dans leur misère, ils quittèrent à cinq cette ville maudite, dépouillés de tout, en deuil pour jamais…

— Vous né savez pas comme ces soldats sont méchants, mossié… comme ils sont méchants… méchants.

Il secoua la tête, et il répéta :

— Personne… non… personne ne sait comme ils sont méchants…

J’écoutai le récit des misères, des iniquités, des privations et des longues pérégrinations, de ville en ville, de villes interdites aux juifs, en villages d’où on les chassait à coups de pierres, à coups de faux… Il ne savait plus de quoi ni comment ils avaient vécu, durant ce temps affreux… Enfin, le vieux vagabond put trouver un emploi dans une petite banque… chez un coreligionnaire…