Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/205

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Et ils avaient beau se faner, nous les retrouvions plus loin, plus jeunes, plus frais, leurs brins à peine entr’ouverts…

— C’est le printemps !… C’est toujours le printemps !…

Pour des êtres jeunes et heureux, qui ne croient qu’au miracle – puisqu’ils sont eux-mêmes le miracle – et qui ne veulent écouter aucune des voix de la vie, l’illusion naîtrait d’un moindre prodige…



Et maintenant ?… Je n’étais plus très rassuré…

Allais-je, avant d’aborder à Dordrecht – que nous appelions Dordt – réentendre la sonorité des quais du Rhin, où grouilleraient les ateliers des armateurs et se répercuteraient les coups de marteau des deux rives ? Cette terrasse de l’hôtel, d’où l’on voit si bien le soleil se coucher dans le fleuve et le fleuve s’endormir dans la nuit, existait-elle encore ? Reverrais-je une petite place de Rotterdam, dont le clair de lune adoucirait aussi tendrement le ton des pierres ? Et, à Delft, où les pignons de brique, les vieilles tours penchées, les portes s’ouvrant sur les clairs jardins, les eaux et les visages répètent, sans cesse, le nom magique de Vermeer… à Delft, sur le canal encaissé, le canal ombragé, à peine ombragé des pousses roses d’un tout jeune printemps, retrouverais-je ces jolies barques, toutes pleines de fleurs, pensées en mottes, tulipes en boules rondes, guirlandes de narcisses, qui glissaient mollement, l’une derrière l’autre, remorquées par une petite paysanne blonde, et qui souriait ? Recevrais-je encore ce coup de foudre, qui, à La Haye, me fit m’