Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/206

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

agenouiller devant Rembrandt, comme à Amsterdam j’eus le cœur défaillant, les yeux en larmes, la première fois que j’entendis ces voix divines qui faisaient pénétrer en moi le surhumain génie de Beethoven ?… Rembrandt et Beethoven… les deux ferveurs de ma vie !…

Je me demandais tout cela… Et que ne me demandais-je pas encore ?



Mais cette fois-ci, comme je vous l’ai dit, nous ne sommes pas entrés en Hollande par le fleuve et ses méandres autour des neuf îles de la Zélande. Nous n’avions plus, pour nous attrister de poésie et de souvenirs, les hantises de l’eau et ses amollissants mirages. Nous sommes entrés par la route, par le solide support de la route. Il n’en fallut pas moins – tant pleurer est le propre de l’homme – il n’en fallut pas moins le rebondissement de la voiture sur un dos d’âne et sur un caniveau, pour me réveiller de ces souvenirs et faire s’effacer leurs dolentes images, et aussi l’image – qui les contenait toutes – du vieux bateau, qui, si lentement, si rêveusement, nous porta d’Anvers à Rotterdam… jadis !…

Par bonheur, il n’est pas de mélancolie dont ne triomphe l’ardent plaisir de la vitesse…

Maintenant, je vois les bandes des cultures virer… La plaine paraît mouvante, tumultueuse, paraît soulevée en énormes houles, comme une mer. Que dis-je ?… La plaine paraît folle de terreur hallucinée… Elle galope et bondit, s’effondre tout à coup, dans les abîmes, puis remonte et s’élance dans le ciel… Et