je ne la sens, peut-être, que parce que j’ai connu tous les doutes, tous les troubles, toutes les angoisses de Vincent van Gogh, et cette faculté cruelle d’analyse, et cette dureté à se juger soi-même, et cette existence toujours vibrante, toujours tendue, à bout de nerfs, et cet effort affolant, torturant, où il se consuma. D’ailleurs, qui sait, qui saura jamais à quoi se vérifie la réalisation complète, en une œuvre d’art ? N’est-ce pas dans les créations de ses dernières années, dans ce que certains critiques appellent grossièrement ses ébauches, que Rembrandt est allé le plus loin, le plus haut, dans la science et dans le génie ?… Mais de ces toiles qui sont là, devant moi, rayonnantes sur ces murs gris, ce que je sais c’est, qu’en dépit de leurs discordances, de leur inachèvement, de leur brutalité, c’est le seul art que mes nerfs surexcités, que mes yeux toujours emplis des plus belles visions, puissent supporter, aujourd’hui. Après Rembrandt, qui bouleverse comme un phénomène de la nature, on peut s’arrêter à van Gogh, qui inquiète et qui enchante… Et la preuve c’est que je suis là, encore, que je regarde, et que je suis content.
Je ne quittai la petite boutique que quand le soir fut tout à fait venu…
À une dizaine de kilomètres au delà de Bréda, c’est enfin la Hollande… la Hollande d’eau et de ciel, la Hollande infiniment verte, infiniment gris-perle, où plus jamais n’osera s’aventurer le moindre souvenir de Belgique. Les routes se font douces, élastiques, sans poussière,