Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/234

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de son, sur les parquets et les dalles qu’on voit briller, au passage… Un rideau radieux, un cuivre, des assiettes fleuries, des étains pansus, un bonnet qui étincelle animent ces réduits presque tous pareils… Armées de longs bâtons que termine un gros bouchon de linge mouillé, des femmes lavent les façades, avec acharnement ; d’autres astiquent les portes, soigneusement vernies, et frottent les cuivres qui les ornent. Les cuisines, en forme de guérites, sont séparées de la maison, afin qu’aucune besogne malpropre ne puisse la souiller… Et cela fait songer, je ne sais pourquoi, à de la dentelle, rehaussée, mais à peine, de fils de métal… Ce qui est charmant, c’est que, derrière chaque maison, comme nous avons chez nous une écurie et une remise, ils ont une sorte de petit port, qui a dérivé l’eau du polder, avec deux ou trois bachots à l’amarre, qui leur servent pour la coupe des osiers et des joncs, et pour les voyages, par les mille petites routes liquides, à travers la plaine verte…

Je me rappelle, au détour d’une ruelle où commençait un jardin, fleuri de fritillaires, avoir vu s’accroupir une paysanne à la peau fraîche, et son geste qui retroussait du linge blanc. Je l’avais vue déjà, cette même paysanne, dans un tableau…

Tous les aspects du pays et du peuple hollandais, ses maisons comme ses costumes, ses cabarets comme ses moulins, qui pompent et disciplinent l’eau innombrable du polder, ont, même pour ceux qui les ignorent, le charme du déjà vu. D’eux tout nous est familier, grâce à leurs peintres qui les ont présentés, avec amour, à tout l’univers…

Les petites gens et les paysans de Russie devront à Dostoïevski et à Tolstoï, une notoriété pareille. Il se peut que Camille Pissarro, et que Cézanne, qui ne chercha