Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/247

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de millions et de millions s’entre-massacreront toujours, pour posséder l’or, en déposséder les autres, et s’en griser, jusqu’à l’hébétement de la folie et la fureur du crime ! Combien de pauvres et gentils rêveurs mourront à la peine, qu’on traitera de bandits, parce qu’ils auront voulu guérir l’inguérissable humanité de son plus cher délire !… Aucune politique, aucune loi, même aucun livre n’a le pouvoir de transformer d’un coup les hommes. Même aucun martyr – si douloureux soit-il – n’est fécond. Et quand il se hausse jusqu’à devenir un grand exemple qui dure à travers les siècles, alors c’est bien pis, il devient criminel… Il a fallu le terrible juif Paul, pour brandir et dresser sur le monde la croix sanglante du doux juif Jésus, et les seuls vrais morceaux que fidèles et juifs aient recueilli de cet emblème d’amour, ce furent les potences et les bûchers : « Race maudite, s’écrie Schopenhauer, elle a empêtré l’humanité d’un Dieu ! »

Si jamais nous nous délivrons de l’or et des maux qu’il engendre ; si un jour nous renonçons à l’or – et j’entends la richesse individuelle, – ce ne sera pas par dégoût du pouvoir qu’a l’or de changer les hommes en bêtes (alchimie qu’exprime déjà la fable de Circé), ce ne sera pas par sagesse, par vertu, par dignité, ce sera par force. On peut concevoir que, dans l’évolution économique des temps, ce métal perde sa valeur d’échange, représentative de nos passions, de nos ambitions, de nos intérêts, de nos énergies, de nos paresses, et que nous trouvions, enfin, le moyen de vivre autrement – un moyen plus rationnel, moins compliqué, comme celui de puiser à même, pour nos besoins et pour nos joies, dans les inépuisables réserves du trésor commun… Hélas ! ce ne sera pas demain…

Et voici qu’un portrait du bonhomme Krüger, qui n’