Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/304

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Beau thème pour un discours académique sur les vertus éducatrices de la liberté.

On sait les profondes méditations des chats, le magnétisme baudelairien de leurs prunelles, et leur agilité à se tirer des pas les plus difficiles… Dès le premier jour, ils ont reconnu, dans l’auto, un danger nouveau, et, tout de suite, sans bruit, sans éclat, ils l’ont évité… On en rencontre peu sur les routes, qui ne sont pas un bon terrain pour leurs affaires, toujours un peu mystérieuses… Ils préfèrent les endroits touffus et obscurs. Parfois, de très loin, ils sortent de la haie, avec prudence, et traversent la route, en rampant, un mulot vivant entre leurs dents. Le plus souvent, dans les villages, assis sur leur derrière, au seuil des portes, ils suivent, d’un regard rêveur, faussement distrait, la voiture qui passe, comme ils suivent, en l’air, le vol d’un papillon…

Bien rares les chauffeurs qui les peuvent prendre en défaut…

Les jeunes cochons, si roses, si gais, si jolis, accompagnent l’auto, en galopant joyeusement sur les berges. Ils ne traversent jamais… C’est une joie de la route que de voir ces petits êtres charmants se suivre et nous suivre, – frise délicieusement enfantine, – le groin en avant, les oreilles battantes, la queue qui frétille… Aussi gras, joufflus, et plus roses que ces Amours qui, sur les plafonds, les tapisseries, les boîtes de chocolat, sortent du déroulement des banderoles, des conques fleuries, des corbeilles enrubannées. Ah !… petits cochons… petits cochons !… C’est aussi une tristesse de se dire que toute cette jeunesse, toute cette joliesse,