Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/306

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voire des conductrices, quand elles sautent à terre, si mal à propos, et, tout simplement, ils se retournent, pour considérer, en souriant d’un air malicieux, le vol effaré des jupons.

Bêtes d’une admirable sagesse, dont la tête est solide, le pied sûr, le caractère digne et bon, qui connaissent la fragilité des enfants et qui la respectent, jusqu’à se laisser torturer, sans autre révolte qu’un léger mouvement des oreilles, par leurs petites mains cruelles…

De tous les quadrupèdes, – je parle de ceux qui hantent les routes, car il ne m’a pas été donné d’y rencontrer des éléphants ni des lions, – les ânes et les mulets sont seuls à mériter une appellation trop souvent déshonorée : ce sont des hommes.

Ce seraient des hommes, si les hommes n’étaient pas hélas ! des chevaux…



Les chiens ont contre eux leur fidélité et la bêtise de leur maître, et je ne sais pas ce qui leur est le plus funeste. Ils ne redoutent rien du cher homme, jusqu’au moment où celui-ci les extermine. Et encore à ce moment suprême, avant que de rendre l’âme, lui prouvent-ils, une dernière fois, leur tendresse imbécile, en le remerciant d’un regard mourant, et en lui léchant les mains… Ils s’élancent au-devant des voitures, parce qu’ils veulent défendre leurs maîtres, et les biens de leurs maîtres, contre des dangers imaginaires, car cette fameuse tendresse du chien ne s’emploie qu’à inventer mille périls, et à y trouver l’occasion d’aboyer, d’aboyer sans cesse, contre quelqu’un, contre quelque chose, contre rien du tout. Je ne puis supposer que leur flair, si impeccable, les trompe au point de prendre le radiateur