Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/310

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sur leurs chiens, dont ils exigent une obéissance passive. Donc, le vieux monsieur siffla le chien, pour la seconde fois, et plus énergiquement. Alors, sans hésiter davantage, le pauvre cabot déguisé bondit à l’appel de son âne, pardon ! de son cheval de maître.

— Moussu ! Moussu ! cria Brossette.

— Ploc ! Ploc ! Ploc ! fit la dame.

Brossette n’avait pas achevé de pousser ce cri, la dame de taper dans ses mains, que le pneu avait fait du chien, de sa crinière et de sa houppette, un tout petit pâté.

— Ah ! la chale bête !

Je descendis pour mêler mes condoléances à la douleur du vieux monsieur. Il ne voulut rien entendre. À peine s’il me regarda. Épouvanté, désespéré, à la vue de cette galette de poils noirs, qu’un peu de sang rougissait, il ne cessait de répéter :

— Ah ! bien, merci !… Ah ! bien, merci !… Il est mort… Oui… Oui… Il est bien mort !… Et que va dire Rébecca ? Comment faire ? Mon Dieu ! Ah ! mon Dieu !… Comment faire ?…

Et comme je lui offrais de le reconduire à la maison, avec la dépouille de son chien :

— Non… non !… Chez moi ?… Non… non… C’est affreux !… Je ne peux plus rentrer chez moi… Je ne peux plus rentrer chez moi. Ah ! bien, merci !…

La tête penchée, les mains aux cuisses, il tournait, maintenant, autour de ce rond noir, qui avait été un chien, son chien… le chien de Rébecca… et il gémissait :

— Ah ! ah ! ah !… qu’est-ce que je vais devenir ?… Où aller ?… Où aller ?… Je ne peux plus rentrer chez moi…