Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/309

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grondement des gaz et des appels de la trompe, ce bruit étouffé instruit, à vingt mètres, les bêtes, du danger qui les menace.

— Moussu, moussu ! crie Brossette au chien.

Mais il est, d’une part, improbable que l’animal entende et, au surplus, impossible que, sauf aux bords de la Loire, il comprenne…

— Ploc ! Ploc ! Ploc ! fait la dame.

Mais autant en emporte le vent…

Efforts stériles ! Brossette n’y tient pas et ne s’y tient pas. Il ralentit et, au besoin, s’arrête. C’est la méthode à laquelle nous devons d’avoir très peu de meurtres à nous reprocher. Elle n’est malheureusement pas infaillible. Il y faudrait, si peu que ce soit, la collaboration du chien. Il faudrait surtout qu’elle ne fût point, dans la plupart des cas, annihilée par la stupidité du maître.

Heureusement, automobiliste prudent, j’en suis encore à pouvoir compter mes victimes.



Un monsieur âgé, comme nous sortions de Moerbeke, allait, à tout petits pas, d’un côté de la route. Son chien, un chien minuscule, tout à fait comique d’avoir, à quatorze centimètres de terre, une petite crinière de lion et une houppette au bout de la queue, trottinait sur l’autre accotement. Très dur d’oreille, sans doute, le vieux monsieur n’entendit la corne de l’auto que très tard. Aussitôt, il siffla son chien. Le chien, voyant venir l’auto, hésita tout d’abord, et, afin de bien montrer le danger de la traversée, il poussa quelques grêles aboiements. Mais les vieux messieurs, si parfaitement lâches devant leur femme ou leur bonne, se vengent intrépidement