Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/36

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Un jour, Brossette, avec qui je discutais de ces choses, me dit :

— Eh bien, quoi, monsieur ?… Quoi donc ?… Tout ça c’est des histoires de riches… Alors ?

Et pourtant Brossette est conservateur, nationaliste, clérical. En dehors de L’Auto, il ne lit que La Libre Parole… Encore aujourd’hui, il croit fermement à la trahison de Dreyfus, comme un brave homme.



Mon chauffeur.


Brossette — Charles-Louis-Eugène Brossette, — est né en Touraine, dans un petit village, près d’Amboise. Jusqu’à vingt ans, il a travaillé, chez son père, maréchal-ferrant, et là, il a pris, en même temps que le goût des chevaux, le goût de « la mécanique » : les deux choses qui ont fait sa vie. Son service militaire terminé, son père, un des plus parfaits ivrognes de la région, étant mort, le jeune Charles Brossette est entré, comme charretier, dans une grande ferme, puis, comme cocher, chez des bourgeois riches. Il aimait bien les chevaux, les connaissait à merveille, les menait et les soignait de même, mais il détestait la livrée. Ses divers patrons souffraient de ce qu’il fût toujours « ficelé comme quat’sous ». Il n’a pas changé, d’ailleurs.

Lorsqu’on commence à parler de l’automobile, Brossette comprend aussitôt qu’il y a quelque chose à faire « là-dedans ». Il a des économies — car, contrairement aux lois de l’hérédité, il est sobre et même un peu avare — et il s’en vient à Paris, pour apprendre ce nouveau métier, dans un garage. Il est intelligent, adroit ; il s’y passionne. Ce lourdaud de province en remontre