Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/383

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puis, comment voulez-vous ?… Guillaume sait très bien que l’Allemagne ne peut pas acquérir plus de gloire militaire qu’elle en a… Mais…

Il se mit à pouffer de rire.

— Je ne serais pas surpris qu’il rêvât un peu de gloire navale… Hé ! hé !… Une guerre navale, peut-être y a-t-il songé ?… Heureusement, l’Angleterre…

Je ne pus m’empêcher de m’écrier :

— Ubu ! C’est Ubu !

Von B…, très au courant de notre littérature, approuva fort cette exclamation…

— Mais oui, mon cher… c’est Ubu… Ubu est d’ailleurs l’image la plus parfaite qu’on nous ait encore donnée des Empereurs, des Rois, et, disons-le, de tous ceux qui, à un titre quelconque, se mêlent de gouverner les hommes… Et, si vous le voulez bien, nous allons porter la santé de M. Alfred Jarry…

Ce que nous fîmes… Après quoi, il réfléchit, une seconde, et il dit encore :

— Il y a une autre raison qui empêchera toujours l’Empereur de déclarer la guerre : il en redoute le résultat. Certes, notre armée est forte, la plus forte du monde… Elle est exercée, entraînée, tout ce que vous voudrez… Nos arsenaux sont pleins, notre armement complet… nos forteresses en état : c’est entendu. Par malheur, nous n’avons plus d’officiers, ou, plutôt, nous n’avons plus que des officiers de parade, qui ressemblent beaucoup à ces jolis godelureaux de votre second Empire, que nous avons vus à Metz et à Sedan. Ils ne travaillent pas et ne s’occupent que de leurs plaisirs : le jeu, les femmes, et même les hommes… Vous ne pouvez imaginer la corruption qui règne parmi eux… De temps en temps, on voit disparaître brusquement un lieutenant promis au plus bel avenir, un général fort bien en