Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/392

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beaucoup trop loin. Il fallut recourir à un silence déférent pour marquer qu’on n’approuvait pas, démontrer ensuite qu’il y avait une façon de procéder plus rigoureuse et plus efficace… Pourquoi ne pas couper plutôt les vivres à l’Impératrice ?… suspendre les apanages ?… « Je connais Sa Majesté, disait Bismarck bonhomme… Elle a de l’orgueil… Les arrêts forcés, elle peut s’y entêter… les accepter comme une sorte de martyre… Mais l’argent, Sire… l’argent ?… Qui donc résiste à l’argent ? » Il fit valoir aussi, avec beaucoup de tact, les représentations probables de l’Angleterre : « Est-ce bien le moment, Sire ? »… L’Empereur, qui avait fini par s’apaiser, goûta le conseil… Les arrêts de l’Impératrice furent levés… Les officiers remmenèrent leurs cavaliers au quartier… Et Guillaume ne fut plus qu’aux détails des obsèques et du deuil, qu’il voulait fastueux !…

— Mais la fin de l’histoire ? demandai-je.

— La lutte entre l’Impératrice et son fils dura plusieurs mois… Il en fallut au moins six…

Von B… se souleva, pour éviter le soleil qui venait de pénétrer violemment dans le hall.

— Il en fallut au moins six… répéta-t-il… pour que l’Empereur obtînt son manuscrit et l’Impératrice son argent… Ah ! c’était une gaillarde !…

Je le vis taper du pied :

— Ne voilà-t-il pas, fit-il encore, un début digne de cet Empereur qui, désespérant d’atteindre jamais à la gloire d’avoir fait un Bismarck, discerna que la gloire d’oser le renvoyer était la seule qu’on pût mettre en balance !

Il ajouta :

— Que risquait-il, après tout ?… L’Allemagne était faite.