Il s’était tu.
— Eh bien ? dis-je.
— Voilà !… « nue sous le manteau »… voilà tout !… Je ne prétends point que mes compatriotes ne soient pas sensibles à la suprême beauté du drame, à son admirable, son incomparable lyrisme… Non, certes… Quoi qu’on dise, l’Allemand aime la grandeur dans une œuvre de l’imagination. Quoi qu’il dise lui-même, il est beaucoup plus attaché qu’il ne croit au romantisme, et ce merveilleux romantisme, épuré de ses scories anciennes, le ravit… De plus, il est passionné de théâtre, de théâtre français, surtout. Oui, mais, ici… il y a quelque chose de plus… Monna Vanna est « nue sous le manteau ». Veuillez bien noter ceci. Si, d’un geste hardi, tout à coup, elle rejetait le manteau ; si un accident de mise en scène – que le spectateur n’attend pas, d’ailleurs – la dévêtait, et qu’elle apparût, dans sa nudité rayonnante, sur les fonds rouges de la tente, parmi les peaux de bêtes du lit ; … il serait fort offensé, protesterait, et son exaltation tomberait aussitôt… Oui, mais Monna Vanna est « nue sous le manteau »… Cela lui suffit… Et croyez bien que, pour notre bon Allemand, « sous le manteau », Monna Vanna est infiniment plus nue que « sans le manteau ». Avez-vous remarqué cette hypertension des regards, dilatés comme sous l’influence de la belladone, et si étrangement immobiles ?… Avez-vous remarqué, surtout, que quelques hommes, pour mieux isoler, pour mieux concentrer, pour mieux caresser, pour mieux réaliser l’image, ont fermé les yeux ?… Tout ce qu’il y a de passion voilée, de désirs contenus et violents dans l’âme de l’Allemand, s’est exalté à ce fait que Monna Vanna est « nue sous le manteau »… Volupté permise, luxure tolérée qui décuple, comme dans un rêve, la puissance de la vision intérieure !… Et vous allez voir,