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Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/405

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ajouté à cette collection hilarante de marionnettes, qu’est ton École de Souabe !




Je dormis fort mal, énervé, cauchemardé par le voisinage de cette cathédrale, sur laquelle – c’est ce qui m’irrite le plus en elle – le temps, qui use tout, s’use sans parvenir à en user qu’à peine la pierre dure. Ni la pluie, ni le soleil, ni le gel, ni le vent qui apporte les poussières corrosives, ne peuvent en adoucir les angles coupants et les lignes sèches, en modeler les découpures plates et les pleins affreusement rigides. Dans mon sommeil, son poids m’étouffait, m’écrasait ; et, du parvis jusqu’à la pointe de ses flèches, mille formes tranchantes, mille figures, aux profils d’inquisiteurs, se détachaient, entraient en moi, comme autant d’instruments de torture… Je me réveillais, en sursaut, tout haletant, les tempes glacées.

Le lendemain matin, je ne me sentis nullement disposé à revoir Cologne, ses églises, ses ponts, ses musées, et même son jardin zoologique, où, pourtant, je me souvenais d’avoir passé d’amusantes journées, parmi des bêtes splendides, et d’avoir interviewé un énorme oiseau, de la tribu des longirostres, qui ressemblait étonnamment à M. Maurice Barrès, en habit d’académicien… De tout cela, j’étais las, jusqu’au dégoût.

En voyage, il y a des moments où les plus magnifiques musées ne vous disent plus rien ; des moments où l’on ne ferait point un pas pour découvrir le plus émouvant chef-d’œuvre. L’art vous fatigue, vous énerve, comme les caresses d’une femme, après l’amour. Au sortir d’un musée, où je viens de me gorger d’art, comme au sortir d’un lit, où j’ai cru épuiser toutes les joies –