Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/406

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toutes les joies ? – de la possession, je n’éprouve plus qu’un besoin, mais un besoin impérieux : marcher, marcher, et fumer, fumer des cigarettes, afin de mettre de la distance et un nuage entre ces mêmes décevantes illusions et moi.

Jamais non plus, autant que ce matin-là, je ne détestai cette manie traditionnelle qui nous pousse, à peine arrivés dans une ville, à nous précipiter dans ses musées, c’est-à-dire à nous inquiéter des morts, avant de nous mêler aux vivants. Et je me disais, en marchant, je me disais et me redisais tout haut, comme pour mieux m’affermir dans mes résolutions :

— Non… non… je n’irai pas au musée… Je n’irai pas…

Absolument comme un enfant, qui se dit :

— Non… je n’irai pas à l’école aujourd’hui… Non… non… je n’irai pas…

Je le connaissais, d’ailleurs, ce musée… L’idée de passer et de repasser devant les de Bruynn le Vieux, les maître Guillaume, les Grunewald, et le maître Inconnu, ne me tentait point. Même, la Vierge à la fleur de haricot, et le maître de La Passion de Lyversberg, et le maître de La Glorification de la Vierge, et le maître de L’auteur de Saint Barthélemy, et le maître des Demi-Figures… et tous les autres maîtres du Tombeau, de la Couronne d’épines, de la Lance, des Clous, de l’Éponge, du Roseau, des Olives, du Calvaire, ne m’attiraient pas davantage. Non que je n’aimasse plus ces peintres ingénus de la vieille École de Cologne. Je les aimais toujours, mais je ne les aimais pas à ce moment de vague à l’âme, où je n’aimais rien. Ou plutôt je ne m’aimais plus en eux. Ils m’étaient vraiment aussi indifférents que les maîtres modernes, le maître de la Femme au tub, le maître de La Passion et