Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/432

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Elle ne sait même pas ce que cela vaut… Sur mon insistance :

— À votre idée… fait-elle en souriant…

Elle n’est pas jolie, pas même blonde ; et elle n’a pas ce costume dont Henner nous a dégoûtés, et dont, après la guerre, des trafiquants actualistes de bière et de femmes affublèrent, dans leurs brasseries, tant de jolies filles de Montmartre et de Montrouge.

Dans une « restauration », où nous avons fort mal déjeuné, on nous a servi, je ne sais plus quoi :

— Plat allemand ! salue l’un de nous.

— Alsacien, monsieur, riposte vivement l’aubergiste.

Et, comme on nous en apporte un autre :

— Plat français !… Ah ! ah ! crié-je, avec un geste à la Déroulède.

— Alsacien ! alsacien ! rectifie, sur un ton irrité et plus rude, l’aubergiste qui nous tourne le dos.

Et j’ai cru voir, sur ses lèvres, le mot : « welches ! »… Il ne l’a pas prononcé.

C’est ainsi, en flânant, que nous arrivâmes, un soir, tard, à la frontière, à Grand-Fontaine, je crois, joli village égrené, en coquets chalets, dans un vert repli des Vosges. Il était huit heures et demie… Et nous avions l’idée folle d’aller coucher à Baccarat… Pourquoi, mon Dieu ? Le douanier activa les formalités. Malgré l’heure tardive, il ne fit aucune difficulté pour nous rembourser notre dépôt.

— J’ai justement, aujourd’hui, de l’argent français, nous dit-il. Je pense que vous aimerez mieux ça…

Le bureau était très propre, bien rangé ; les hommes, très astiqués, dans leur vareuse verte. Ils nous souhaitèrent bon voyage.

À Raon-la-Plaine, douane française, nous fûmes accueillis comme des chiens. Un trou puant, un cloaque immonde,