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LA 628-E8

sont, à chaque page, des allusions à cette échéance sans cesse reculée ; ce sont les plans détaillés d’une union qui semble, d’ailleurs, avoir été beaucoup plus désirée de Balzac que de Mme Hanska.

Naturellement, il faut bien attendre que ce bon M. Hanski disparaisse. Son état de santé permet, du reste, de supposer qu’on n’attendra pas longtemps. M. Hanski, averti, ne met point d’opposition à ces projets posthumes. On prétend même qu’il les approuve, sinon qu’il les encourage. En dépit de son caractère difficile et de ses aspirations peu littéraires, ce Cosaque accommodant est au mieux avec Balzac et s’honore d’être son ami. Balzac l’a conquis, lui aussi, peut-être par sa science agronomique… M. de Spoelberch de Lovenjoul possède et a publié une lettre, où ce gentilhomme exprime à l’auteur de La Comédie humaine son estime et son admiration. Quoique Balzac soit de bien courte noblesse, l’autre est assez flatté de savoir qu’un tel personnage le remplacera un jour, sinon dans le cœur de sa femme, qu’il n’a jamais eu, du moins dans son lit. Il y a dans toute cette histoire des dessous comiques que, malheureusement, l’on connaît mal.

C’est ainsi qu’à Neuchâtel, le jour de la rencontre, Mme Hanska est assise, comme il est convenu, sur un banc de la promenade avec son mari et ses enfants. Pour se faire reconnaître, elle doit tenir, sur ses genoux, un roman de Balzac, bien en vue. Le livre y est, mais l’émotion de la pauvre femme est telle qu’elle ne s’aperçoit pas qu’elle l’a entièrement caché sous une écharpe. Un homme petit, gros, très laid, passe et repasse. « Oh ! mon Dieu, se dit Mme Hanska, pourvu que ce ne soit pas lui ! » Elle a vu enfin sa maladresse… Elle découvre le livre… L’homme aussitôt l’aborde…