Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/47

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Et nous étions en France, dans la douce France, la France du progrès, de la générosité et de l’esprit ! Prémices réconfortantes ! Qu’allait-il advenir de nous, en Hollande, pensaient mes amis, et surtout en Allemagne, où il est reconnu, par les plus doctes historiens de La Patrie, que les êtres informes qui peuplent ces deux pays, ne sont encore que des sauvages ?…

J’avais beau les rassurer… Ils n’étaient pas si tranquilles.

On leur avait dit :

— Ah ! vous allez en avoir des embêtements !… En Hollande, les Bataves vous regardent comme des bêtes curieuses et malfaisantes, s’ameutent, s’excitent, dressent des embûches… Et c’est la culbute dans le canal… Pour l’Allemagne, c’est un pays encore plus dangereux… Rappelez-vous la guerre de 70… Ce qui va vous arriver… c’est effrayant !

On leur avait conté de terrifiantes anecdotes sur l’hostilité des populations, l’implacable rigueur des règlements, la tyrannie sanguinaire des autorités… Il semblait qu’il fût plus facile et moins périlleux de pénétrer à la Mecque, à Péterhof ou à Lhassa, qu’à Cologne et à Essen…

— Et les routes !… Quelque chose d’affreusement préhistorique… Pas de vicinalités, dans ces pays-là… pas de ponts et chaussées !… Admettons, pour un instant, que les populations ne vous massacrent point ; que vous sortiez, à peu près intacts, votre automobile et vous, des griffes de l’autorité… jamais vous ne sortirez de ces routes-là… Des cloaques,… des fondrières,… des abîmes… L’accident certain,… la prison probable,… la mort possible… Voilà ce qui vous attend… Mais vous ne connaissez pas les Allemands. Tenez, pendant la guerre, nous avons dû loger, à la campagne, un escadron