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BORDS DU RHIN

maison parée, les fleurs, le souper, à la garde d’un domestique, qu’elle-même avait engagé pour la circonstance et qui se nommait François Munck.

Ils arrivent. Ils voient la maison tout illuminée. Ils sonnent. Rien ne leur répond. Ils sonnent encore. Rien. Toutes les fenêtres brillent ; on aperçoit des fleurs, dans la lumière. Une grosse lampe éclaire les marches du perron… Mais rien ne bouge. Tout cela est immobile, silencieux, plus effrayant que si tout cela était noir. Que se passe-t-il donc ? Balzac a peur. Il appelle, crie, frappe à grands coups contre la grille. Rien toujours. Quelques passants attardés, croyant à un accident, à un crime, se sont assemblés, offrent leur aide. Ils unissent leurs efforts, leurs poings, leurs cris… En vain… Pendant ce temps-là, le cocher a déchargé les bagages sur le trottoir. La nuit est fraîche. Mme de Balzac a froid. Elle ramène plus étroitement sur elle les plis de son manteau, se promène en tapant du pied sur le pavé. Elle s’impatiente. Balzac s’agite. Allant de l’un à l’autre, il explique aux passants :

— C’est incroyable… Je suis M. de Balzac… Cette maison est ma maison… Je reviens de voyage… Nous sommes attendus. Ah ! je n’y comprends rien !…

L’un propose d’aller requérir un serrurier. Justement il en connaît un dans une rue voisine… Il s’appelle Marminia… C’est un bon serrurier…

— Soit, consent Balzac, qui trouve pourtant ce moyen de rentrer chez soi un peu humiliant… Un serrurier… c’est cela… Car, enfin, M. de Balzac ne peut rester dans la rue à une pareille heure de la nuit.

Et, tandis qu’on attend le serrurier, on frappe toujours à la porte ; on essaie de jeter des petits cailloux contre les fenêtres, on crie…