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LA 628-E8

Mme Hanska la détournait de ce mariage. On prétend même que l’Empereur y avait mis son veto… Ah ! la pauvre femme était bien revenue de tous ses rêves !

Il faut croire que la tenace éloquence de Balzac, ou peut-être la pitié de Mme Hanska, avait été plus forte que tout. Je me souviens, comme j’émettais cette hypothèse de la pitié, que Gigoux leva les bras au plafond et qu’il dit avec un dur sourire ironique :

— La pitié de Mme Hanska ?… Ah ! mon cher !

Moi, je n’en sais rien… Mais je sais qu’il y avait des choses que Jean Gigoux ne pouvait pas comprendre.

Ce qu’il y a de certain, c’est que, un soir du mois de mai 1850, Balzac rentrait à Paris, marié. Marié et presque mourant…



M. de Spoelberch de Lovenjoul raconte que, ce soir-là, vers minuit, Balzac et sa femme descendirent de voiture, très fatigués, très énervés par le voyage, devant le no 12 de l’avenue Fortunée. De Russie, il avait écrit à sa mère une longue et minutieuse lettre, dans laquelle il annonçait la date et l’heure de son retour et lui recommandait de mettre les choses en ordre, en fête, dans la maison. Il voulait que tout y fût gai et souriant, pour les accueillir, les meubles, les bibelots à leur place… des lumières et des fleurs partout… un souper joliment préparé. Il la priait en outre de rentrer chez elle, car il désirait ne lui présenter sa belle-fille que le lendemain, solennellement. Il attachait beaucoup d’importance à ces formes protocolaires. Mme de Balzac exécuta ponctuellement les ordres de son fils. Sa mission terminée, elle se retira, laissant la