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tout ce que leur puissance militaire a de redoutable… J’imagine aisément que Givet soit, pour eux, la meilleure école, où se fortifie leur arrogance nationale. Le dimanche, les pères doivent conduire leurs enfants à Givet, et je les entends qui leur disent :

— Voyez, comme nous faisons trembler le monde !

De son côté, un officier français, devant qui je m’étonnais de ce luxe guerrier, m’a expliqué ceci :

— Il ne faut plus, au cours des luttes futures, qu’on puisse encore s’écrier : « Ah ! voici les Belges. Nous sommes foutus ! »

Et que de casernes !… Quelles immenses esplanades pour l’évolution des troupes !… Que de soldats !

J’ai vu défiler des bataillons et des bataillons d’infanterie. En tenue de campagne et clairon sonnant, sans doute ils revenaient d’une reconnaissance, peut-être d’un combat. Et j’ai admiré leur allure martiale, leur souple entraînement… Nous sommes bien gardés, allez !… Tout me fait croire aujourd’hui que, devant un tel déploiement de forces, un tel hérissement de défenses, l’armée belge nous laissera tranquilles, désormais.

« Si tu veux la paix… », dit la Sottise des nations.

On rêve pour Nancy le tiers seulement des travaux patriotiques exécutés à Givet… Il est vrai que, là-bas, ce ne sont que les Allemands…



Une famille d’automobilistes.


Revenus de notre surprise, bien sûrs de n’être pas dérangés par une attaque soudaine des corps d’armée belges, nous passâmes la soirée assez gaiement, dans un hôtel propre, très recommandé par le Touring Club, où