Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/68

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Et nous allâmes nous coucher.

Le lendemain matin, dans la cour de l’hôtel, ce fut une scène tragique.

La famille, harnachée pour le voyage, était réunie autour de la Brulard-Taponnier, douze chevaux… Nous arrivâmes juste au moment où Brossette, à qui son collègue avait demandé aide, sortait de dessous la voiture.

— Eh bien ? interrogea le monsieur, qui avait mis ses derniers espoirs dans la science de notre mécanicien…

— Eh bien… répondit-il en s’époussetant… rien à faire… Le cône est faussé, le cuir est brûlé… Faut qu’elle aille à l’usine.

Ils furent tellement consternés, tous les quatre, qu’ils ne songèrent même pas à protester, à s’indigner. Le silence qui suivit cette sentence fut quelque chose de poignant… J’eus pitié d’eux… Vraiment, ils avaient l’air de condamnés à mort.

Ferdinand s’approcha de son maître. Son expression de fourberie me frappa. Il fut verbeux.

— Je l’avais bien dit à monsieur, hier soir… Ah ! c’est très embêtant… J’vas ramener la sacrée machine à Paris, et je viendrai retrouver monsieur en Belgique, où que monsieur me dira… Vrai !… on peut appeler ça de la guigne… Monsieur, lui, va prendre le chemin de fer pour quelques jours, cinq… six jours… huit jours au plus… le temps des réparations, quoi !… À moins que monsieur ne préfère m’attendre ici… C’est, comme de juste, à la disposition de monsieur…

Le patron de l’hôtel, qui circulait autour de la voiture, lança négligemment :

— Il y a de bien belles promenades, dans les environs… Bons chevaux… Voitures confortables… Prix modérés…