Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/67

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— Sacristi !… Dites-moi ?… Ça n’est pas grave ?

— Hé !… monsieur… c’est embêtant…

Toute la famille, même le fils réveillé, tendait le col vers le mécanicien…

— Comment ?… Qu’est-ce que vous dites ?… Une machine toute neuve !

— Bien sûr… mais monsieur doit comprendre… du moment qu’elle n’embraye plus…

— Je comprends… certainement, je comprends… mais… dites-moi ?… Ce n’est pas une raison… Voyez ça… travaillez…

— Mauvais travail… Ici, il n’y a pas de fosse… Et puis, il fait trop noir… Demain matin, nous verrons ça… Ah ! j’ai bien peur…

— Mais non… mais non… Huit heures, hein ?… Ah !… Dix litres seulement… Nous remplirons après la frontière…

Il prononça « la frontière » avec un accent majestueux. Le mécanicien parti, il se promena quelques minutes dans la salle, le front plissé… Mais, pour dissimuler ses préoccupations, les pouces aux entournures du gilet, et balançant la tête, il faisait :

— Peuh ! peuh ! peuh !… Peuh ! peuh !

La mère avait un sourire méchant… Elle dit :

— Tu verras… tu verras !

La fille demanda :

— Père… qu’est-ce que c’est : « elle n’embraye plus » ?

— Mon enfant, c’est…

Il resta court, chercha une explication, et n’en trouvant pas :

— C’est rien… fit-il, rien du tout… Un peu de graissage… il n’y paraîtra plus…

— Oui ! oui… compte là-dessus… ricana la mère, en se levant.