Page:Octave Mirbeau Un gentilhomme 1920.djvu/103

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très grave, à la condition toutefois qu’il ne se propage pas davantage… Ce mouvement qui ne tend à rien moins que briser l’omnipotence nécessaire de l’Église… on doit l’arrêter… Et on le peut… L’Église dispose de puissants moyens spirituels… elle a énormément d’argent… elle veut agir au plus vite, et agir ferme…

Durant cette tirade, le marquis ne m’avait pas une seule fois regardé. Il semblait parler à lui-même, pour lui-même… Et moi, je l’écoutais, ahuri, suivant tous ses mouvements.

— Ce coup d’État, continua-t-il, a toutes les chances de réussir… Jules Simon est sans courage… sorti de ses petites rosseries habituelles, de ses petites finauderies larmoyantes, il est incapable de se défendre, en présence d’une lutte sérieuse… Le clergé est ardent et… quoi qu’on dise, très uni. L’armée, animée d’un excellent esprit, ne demande qu’à marcher. Et la masse indifférente s’en fout, comme toujours… Donc, peu de risques… Malheureusement, nous n’avons pas d’hommes… du moins, dans mon parti ! Broglie ?… Antipathique à tout le monde… Un phraseur qui se regarde parler. Un académicien… c’est tout dire… Et pourtant, c’est peut-être le seul… Les nôtres redoutent les aventures… Des rêveurs… des imbéciles… des mollassons ! Au fond de leurs châteaux et de leurs hôtels, ils attendent tout du droit du prince et de la lassitude du peuple… Belle conception ! Ils s’ima-