Page:Octave Mirbeau Un gentilhomme 1920.djvu/123

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fraîche et brillante ; la route serpentait toute dorée entre les futaies, entre les taillis. Des tussilages, des jonquilles sauvages tapissaient déjà les talus et les sous-bois ensoleillés de fleurettes jaunes… quelques essences d’arbres gonflaient, à la pointe des branches, de gros bourgeons vernissés, et des parfums de violettes, mêlés à de tièdes odeurs de terreau, nous arrivaient par bouffées aux narines. Le marquis me racontait des histoires locales… Monteville-sur-Ornette, pittoresque et forte commune mi-agricole, mi-forestière, échappait de plus en plus, quoique voisine de Sonneville, à l’influence du château. Paysans, bûcherons, charbonniers, sabotiers y restaient à peu près fidèles, par habitude… Mais depuis plusieurs années, de petites industries du bois, des fabriques de bondes et faussets, des scieries mécaniques s’étaient établies sur le territoire de la commune, employant près de quatre cents ouvriers venus un peu de partout et qui pourrissaient le pays de mauvaises idées républicaines. Le marquis avait là un agent précieux, le docteur Lerond, qui s’efforçait de maintenir les choses anciennes et de combattre les nouvelles, par le seul prestige de son dévouement et de sa bonté… Il y avait bien du mal. Cœur excellent, très aimé de tout le monde, même de ses adversaires politiques, on ne lui connaissait qu’un défaut, celui d’être trop dévot. Malgré sa charité, il eût préféré laisser