Page:Octave Mirbeau Un gentilhomme 1920.djvu/141

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grenue et brunie. Elle était propre… plus propre que ne le sont d’ordinaire les paysannes… Timidement elle avança vers le marquis dont le regard plus brillant attesta qu’il obéissait aux mêmes préoccupations que moi. Les jambes écartées, les mains derrière le dos et se caressant les mollets du bout de sa canne, il dit :

— Mazette !… quels cheveux !…

Victoire n’osait lever la tête, et Flamant, ne voulant pas influencer sa fille, se tenait à l’écart, les deux paumes plaquées aux hanches… Le marquis questionna :

— Voyons, Victoire… Es-tu contente ?

— Oh ! oui, monsieur le marquis !

— C’est bien triste, ici… c’est sauvage en diable. Tu ne t’ennuieras pas, toute seule ?

— Oh ! non, monsieur le marquis !

— Si tu t’ennuyais… il faudrait me le dire… je te trouverais… une bonne place.

Victoire répondit :

— Jamais je ne voudrais quitter papa, monsieur le marquis !

Ce « papa », prononcé d’une voix claire, filiale, était singulièrement déconcertant dans cette bouche d’inceste… Le marquis eut la cruauté d’en accentuer l’horreur ingénue :

— Tu l’aimes bien « ton papa » ?

Et il appuya lourdement sur ce mot… Victoire ne baissa pas la tête, ne rougit point…