Page:Octave Mirbeau Un gentilhomme 1920.djvu/165

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un article contre le marquis d’Amblezy-Sérac, article ambigu, obscur, venimeux, où il était parlé, à mots couverts, de son rôle pendant la répression de la Commune, et de l’étrange histoire de son mariage. Cet article en promettait d’autres, plus explicites, plus détaillés… la suite au prochain numéro, selon le rite. Le marquis se trouvait précisément à Sonneville, en ce temps-là. Il accourut à Caen, bien résolu à faire un exemple, à jeter par la fenêtre rédacteur et journal. Et c’est furieux, les poings menaçants, la parole haute, qu’il entra dans la boutique du sieur Alcide Tourneroche. Au bout d’une heure, reconduit avec empressement par celui-ci, presque souriant et… propriétaire du journal…

Le journal changea de titre et devint Le Cultivateur normand, de but, et il attaqua furieusement les républicains au lieu des royalistes. Et les choses continuèrent, ou à peu près, comme par le passé, mais dans un sens différent. Quant au sieur Alcide Tourneroche, du moment qu’il exaltait les beautés de l’Église et les vertus de la création, ce fut du soir au lendemain un personnage hautement honorable, digne de tous les respects. L’étalage de sa boutique restaurée le proclamait d’ailleurs avec un somptueux éclat. Quelques jours après cette miraculeuse conversion, on vit, non sans un peu d’étonnement, mais avec une vraie joie de délivrance, des