Page:Octave Mirbeau Un gentilhomme 1920.djvu/192

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


III


Voici, exactement rapporté, le récit que je fis alors au docteur Bertram, et plus tard au magistrat :

— Vous connaissez ma passion pour l’histoire naturelle. Il ne se passe pas de semaine que je n’herborise, dans la campagne, autour de la ville. Ce jour-là j’allai à Glasnevin, où, comme vous le savez, se trouvent des prairies marécageuses. J’étais assuré d’y faire ample moisson de plantes curieuses, d’infusoires et de diatomées ; je puis même vous confier que je découvris des espèces rares, sur lesquelles je compte présenter à la Botanic Society un travail qui fera, je crois, sensation ; mais ceci est une autre affaire. Donc, ma trousse en bandoulière et ma boîte pleine de trésors, je revenais gaîment par la route, quand, aux portes de Dublin, j’aperçus une jolie petite fille de cinq à six ans, toute seule, qui pleurait. Je m’approchai d’elle, mais, à ma vue, l’enfant redoubla de cris. Je compris que la pauvre petite s’était égarée et qu’elle