Page:Octave Mirbeau Un gentilhomme 1920.djvu/233

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En partant, Clotilde m’avait dit dans un baiser :

— Ô mon cher amour, il me semble que j’éclate de bonheur… et que, là-bas, nous allons célébrer la première messe de notre joie…

— Oui !… oui !…

— Nous ne sortirons jamais, n’est-ce pas ?… Car nous avons en nous tous les paysages, toutes les architectures et tous les musées !…

— Oui ! oui !

— Nous serons l’un à l’autre, sans cesse, comme si nous ne faisions qu’une même âme, qu’un seul corps, un seul rêve !

— Oui !… Oui !… Ah ! oui !

— Pourvu que nous ayons la mer devant nous, et, au-dessus de nous, le ciel étoilé, que nous fait le reste ?

— Oui ! oui !

— N’avons-nous pas les mêmes pensées, les mêmes admirations, une sensibilité pareille devant la nature, le culte de la même beauté ?

— Oui !… oui !

— Ah ! puissions-nous être assez forts pour supporter un tel bonheur !

— Oui !… oui !

J’avais le cœur si plein de reconnaissance et la gorge si serrée par l’émotion, que je ne pouvais que balbutier cet éternel : Oui !… oui !… qui, comme expression de bonheur, eût peut-être paru insuffisant ou très monotone à une