Page:Octave Mirbeau Un gentilhomme 1920.djvu/234

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autre femme. Mais je voyais bien que Clotilde, amante sublime, ne m’en aimait que davantage !

La maison que je louai dans une ville très anglaise, était délicieusement située sur la rade, tout près de l’entrée du port — une villa fraîche, souriante, dans les arbres et dans les fleurs, et dont le modern’style de l’aménagement intérieur répondait au modern’amour de nos cœurs ! Les grands steamers, les énormes paquebots entraient, sortaient, et la mer était sans cesse couverte de yachts très élégants et de mille petites barques de pêche, aux voiles roses… Le soir, une féerie éblouissante. Toutes les lumières électriques du port, les feux mouvants des navires, rouges, verts, se reflétant dans l’eau, et les signaux, et les phares tournants, et les projections de lumière, qui allaient, au loin, très loin, fouiller la mer profonde et noire, comme les yeux de Clotilde, aux heures de passion, fouillaient les profondeurs et les étendues de mon âme !… Et les étoiles au ciel étaient plus brillantes encore que les feux terrestres, et cette magique lune, énorme, blanche et ronde, que traversait, je me rappelle, la vergue d’un trois-mâts !… Je ne pouvais détacher mes yeux de ce spectacle grandiose où tous les éléments se combinaient pour l’émotion et pour la beauté.

Ah ! que Clotilde serait heureuse ici !

Avec quelle passion nouvelle, avec quel trouble