Page:Octave Mirbeau Un gentilhomme 1920.djvu/97

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Celui-ci haussa les épaules et ricana :

— Tous les mêmes !… Eh bien, quand le chat sera dans la maison, les rats ne viendront pas grignoter le fromage… je t’en réponds !…

Puis, examinant une écuelle au fond de laquelle restait un peu de pâtée :

— Trop de graisse… et pas assez de poudre d’os… Ils crottent trop noir, tes chiens… Fais attention…

M. Joë nous accompagna aux herbages, et il présenta tous les poulains au marquis, qui en fit un examen attentif et prolongé… Il aimait passionnément le cheval et le connaissait à merveille, mieux qu’un vétérinaire. D’un coup d’œil il savait discerner ses qualités, ses défauts, son avenir. Il parlait, tantôt en anglais, tantôt en français, avec une sûreté, une clairvoyance, qui étonnaient toujours M. Joë lui-même. Ce dernier, avec son regard de coin, ses lèvres pincées, son air ennuyé, semblait se dire : « Pas moyen de lui conter des blagues, à celui-là !… » Pour une pouliche qui s’annonçait très jolie, mais dont le poitrail ne se développait pas assez, le marquis indiqua un appareil et un régime appropriés ; il critiqua la formation de la corne chez un autre, et donna le moyen d’y remédier :

— Comment ne sais-tu pas cela ? reprocha-t-il à M. Joë… quand tu ne sais pas, demande-moi, imbécile !