Page:Oeuvres complètes de Jacques-Henri-Bernardin de Saint-Pierre, Tome 10, 1820.djvu/262

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caractère timide. L'un, était le caractère donné par la nature ; l'autre, le caractère acquis ou social. Représentons-nous donc Rousseau, livré en naissant aux douces lois de la nature, élevé par un si bon père, par une tante si indulgente ; exalté par la lecture des vies des grands hommes de l'antiquité, des Scipion et des Lycurgue ; invité d'ailleurs, par le spectacle de mœurs simples, franches et pures, à être sincère, confiant et bon ; représentons-nous-le ensuite, jeté dans un monde corrompu, sans appui, sans fortune, sans crédit, sans intrigue. Quel contraste étrange dut se former entre les mœurs de cet homme simple, et celles de lasociété; entre sa franchise et l'astuce d'autrui, son inexpérience et l'expérience des autres, sa pureté et la corruption du monde ! Pour moi, je m'étonne que son caractère naturel ait pu résister à ce choc : cela me prouve combien la première éducation donne à l'ame une trempe forte et durable. Il dut résulter de ces différents contrastes, que le monde fut toujours pour lui un pays ennemi ; ce qui le rendit méfiant, timide et sauvage. D'un autre côté, son âme