Page:Oeuvres complètes de Jacques-Henri-Bernardin de Saint-Pierre, Tome 10, 1820.djvu/263

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élevée à la vertu, et frappée par l'adversité, devint supérieure à la fortune, et produisit d'immortels ouvrages. Ainsi une terre préparée au printemps par le souffle du zéphyr, et déchirée par le soc de la charrue, reçoit dans son sein les glands que lui confie la main du laboureur, et produit des chênes qui bravent les tempêtes. Il sut tirer ce fruit de sa pauvre fortune, qu'un très-petit talent lui donna les moyens de revenir à la nature et de suivre son caractère naturel. En élevant une barrière entre lui et les hommes, il échappa aux partis, et devint maître de ses opinions. Heureux de n'être point obligé de se trahir par de fausses louanges du monde, il regarda toute sa vie la liberté comme la seule chose qui peut nourrir une bonne conscience : aussi il sacrifiait tout à cette noble indépendance qui a élevé et formé sa pensée. Mais ce que j'ai trouvé de plus admirable dans son caractère, c'est que jamais je ne l'entendis médire des hommes dont il avait le plus à se plaindre. Il me disait : Quand je me brouille avec quelqu'un, la première fois c'est de sa faute ou de la mienne, mais la seconde