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Page:Oeuvres complètes de Jacques-Henri-Bernardin de Saint-Pierre, Tome 10, 1820.djvu/291

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persécuté, qu'un infortuné n'eût pu hardiment lui aller demander du pain ; mais quel est celui qui n'eût partagé le sien avec Jean-Jacques !

La réputation de ces deux grands hommes est universelle, et semblable en quelque sorte à leurs talents : celle de Voltaire a plus d'étendue, celle de Rousseau plus de profondeur. Tous deux ont été traduits dans la plupart des langues de l'Europe. Le premier, par la clarté de son style qui l'a mis à la portée des plus simples, était si connu et si aimé dans Paris, que lorsqu'il sortait, une foule incroyable de peuple environnait son carrosse : quand il est tombé malade, j'ai entendu dans les carrefours les porte-faix se demander des nouvelles de sa santé. Rousseau, au contraire, qui n'allait jamais qu'à pied, était fort peu connu du peuple; il en a même éprouvé des insultes : cependant il s'était toujours occupé de son bonheur, tandis que son rival n'avait guère travaillé que pour ses plaisirs. Quant à la classe éclairée des citoyens qui, également loin de l'indigence et des richesses, semblent être les juges naturels du