Page:Oeuvres complètes de N. Macchiavelli, avec une notice biographique par J. A. C. Buchon.djvu/414

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quelquefois, en effet, on a recours à ces deux manœuvres, c’est seulement quand un bataillon est isolé de tous les autres.

Pour former un bataillon à cornes, il faut disposer ainsi qu’il suit les quatre-vingts rangs, à cinq de hauteur. Vous placez derrière un centurion vingt-cinq rangs, de deux piques sur la gauche, et de trois boucliers sur la droite ; derrière les cinq premiers rangs, dans les vingt derniers, sont vingt décurions entre les piques et les boucliers ; les décurions qui portent la pique restent avec les piques dans les cinq premiers de ces vingt rangs. Après ces vingt-cinq rangs viennent 1° un centurion suivi de quinze rangs de boucliers ; 2° le chef de bataillon, la musique et le drapeau suivis également de quinze rangs de boucliers ; 3° enfin, un troisième centurion suivi de vingt-cinq rangs, dont chacun est composé de trois boucliers sur la gauche et de deux piques sur la droite, et, dans les vingt derniers de ces rangs, sont placés vingt décurions[1] entre les piques et les boucliers ; le quatrième centurion ferme les rangs. Maintenant, de ces rangs ainsi disposés, si vous voulez en former un bataillon à deux cornes, vous faites arrêter le premier centurion avec les vingt-cinq rangs qui le suivent. Le second centurion continue de marcher, en obliquant à droite sur le flanc droit des vingt-cinq rangs, et, arrivé à la hauteur des quinze derniers rangs de ceux-ci, il s’arrête. Le chef de bataillon oblique également sur la droite de ces quinze rangs de boucliers, et fait halte à la même hauteur ; le troisième centurion avec ses vingt-cinq rangs, et le quatrième centurion qui les suit se dirige sur la même marche en se portant sur le flanc droit de ces rangs de boucliers ; mais il ne s’arrête pas au même point, et continue d’avancer jusqu’à ce que son dernier rang soit aligné avec le dernier rang des boucliers. Alors le centurion qui a conduit les quinze premiers rangs de boucliers quitte sa place et va à l’angle gauche de la queue du bataillon. On aura ainsi un bataillon de quinze rangs, à vingt hommes de hauteur, avec deux cornes sur chaque côté de la tête du bataillon, dont chacune sera formée de dix rangs à cinq hommes de hauteur. Entre ces deux cornes, il restera un espace capable de contenir dix hommes aisément. Là sera le chef de bataillon ; à chaque corne un centurion, sur les derrières un centurion également à chaque angle ; et, sur les deux flancs, deux rangs de piques et un rang de décurions. Ces deux cornes servent à renfermer l’artillerie et les bagages. Les velites se répandent sur les flancs à côté des piques.

Pour former une place dans ce bataillon à cornes, il faut prendre les huit derniers des quinze rangs à vingt hommes de hauteur, et les porter sur la pointe des deux cornes, qui deviennent alors les derrières de la place. C’est là qu’on place les bagages, le chef de bataillon et les drapeaux, mais non l’artillerie qu’on en- voie alors à la tête ou sur les flancs du bataillon : cette manœuvre est utile quand on doit passer dans des lieux suspects ; mais l’ordre d’un bataillon sans corne et sans place est encore préférable. Cependant, quand il faut mettre à couvert des hommes sans défense, le bataillon à cornes est très nécessaire.

Les Suisses ont encore plusieurs autres ordres de bataille ; un entre autres qui a la forme d’une croix ; ils mettent ainsi à couvert leurs fusiliers dans l’espace que forment les bras de cette croix. Mais, comme toutes ces manœuvres ne sont bonnes que dans des affaires particulières, et que mon seul but est de former plusieurs bataillons à combattre ensemble, il est inutile d’en parler ici.

Cos. Il me semble que j’entends fort bien votre système d’exercices pour les soldats de ces bataillons ; mais je crois, si je m’en souviens bien, qu’outre ces dix bataillons, vous avez encore dans votre brigade mille piquiers extraordinaires, et quatre cents velites extraordinaires. Ne voulez-vous pas les exercer également ?

Fabr. Qui sans doute, et avec le plus grand soin. J’exercerais ces piquiers par compagnies, de la même manière que les bataillons, et je m’en servirais plutôt que de ceux-ci dans toutes les affaires particulières, quand il s’agirait de fournir une escorte, de mettre le pays ennemi à contribution, et d’autres opérations semblables. Quant aux velites, je les exercerais chez eux sans les réunir ensemble ; comme ils sont destinés à combattre sans ordre, il est inutile de les rassembler pour de communs exercices ; il suffit qu’ils soient

  1. Ces décurions tiennent la place d’un soldat.