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HISTOIRE
DE FLORENCE.


LIVRE PREMIER.

Les peuples qui habitent les régions septentrionales situées au-dela du Rhin et du Danube, nés dans un pays salubre et favorable à la population, deviennent souvent si nombreux, qu’une partie d’entre eux est forcée de quitter le sol paternel pour aller chercher de nouvelles demeures dans d’autres contrées. Lorsqu’une de ces provinces veut se décharger du superflu de ses habitans, on en forme trois divisions. Chacune d’elles se compose proportionnellement d’un nombre égal de nobles et de non nobles, de pauvres et de riches. Ensuite celle qui est désignée par le sort est obligée d’aller chercher fortune. Les deux autres divisions, allégées de celle-ci, jouissent paisiblement des biens que leur offre la patrie.

Ce furent ces peuplades qui détruisirent l’empire romain. Les empereurs eux-mêmes leur en fournirent l’occasion, lorsque, abandonnant Rome, siège antique de l’empire, pour se retirer a Constantinople, ils en affaiblirent la partie occidentale, plus éloignée alors de leur surveillance, et plus exposée aux déprédations de leurs ministres et aux invasions de leurs ennemis. Et certes, pour renverser un si puissant empire, cimenté du sang de tant d’hommes illustres, il ne fallait pas moins que tant de lâcheté dans les princes, d’infidélité dans les ministres, de force et de persévérance opiniâtre dans les assaillans. Il n’eut point à lutter contre une seule peuplade : ce fut un grand nombre de nations qui conjurèrent sa ruine.

Les premiers qui vinrent de ces climats du Nord, attaquer l’Empire, après les Cimbres vaincus par Marius, citoyen romain, furent les Visigoths, nom correspondant dans leur langue à celui de Goths occidentaux dans la nôtre. Après quelques combats livrés aux confins de I’Empire, ils restèrent pendant long-temps établis sur les bords du Danube, avec la permission des empereurs. Quoiqu’ils fissent à diverscs reprises, et sous différents prétextes, des tentatives contre les provinces romaines, ils furent cependant toujours réprimés par la puissance des empereurs. Théodose fut le dernier qui remporta sur eux une glorieuse victoire. Forcés de se soumettre a son autorité, ils ne placèrent plus de roi a leur tête ; mais réduits à se contenter de la paie qu’il leur accorda, ils vécurent sous son gouvernement et combattirent sous ses drapeaux.

Après la mort de Théodose, les temps changèrent comme le prince ; ses fils Arcadius et llonorius héritèrent de son empire, mais non de se vertus et de sa fortune. Théodose avait confié à trois gouverneurs les trois parties de l’Empire : Rufin avait l’Orient ; Stilicon l’Occident ; et Gildon, l’Afrique. Lorsque ce prince fut mort, ils pensèrent, non a les