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est emportée[1], et la révolution est lancée.

De ce jour Desmoulins est un homme public et sa renommée s’accroît, en quelques jours, par la publication de son premier et retentissant pamphlet, la France libre. Le voilà jeté sur la pente irrésistible, et que d’angoisses, de calomnies, de découragements il doit rencontrer sur cette route, qu’il parcourra en cinq années, et au bout de laquelle il trouvera la gloire et l’échafaud !

Ce sera son honneur et sa bonne fortune de dater sa renommée du jour même qui fut la première étape de notre révolution. Désormais, quoi qu’il arrive, son nom ne peut plus périr : aussi avec quel naïf épanchement d’amour-propre il multipliera dans tous ses écrits le récit de la scène du Palais-Royal ! Ce sera pour lui, ce que furent pour Cicéron ses journées glorieuses contre Catilina : il y reviendra sans cesse, et jusqu’à satiété. La journée du 12 juillet et le succès de la France libre, ses

  1. Cet enthousiasme ne se borna pas à la France ; voici ce que raconte M. de Ségur alors à Saint-Pétersbourg :
    « Quoique la Bastille ne fût assurément menaçante pour personne à Saint-Pétersbourg, je ne saurais exprimer l’enthousiasme qu’excitèrent parmi les négociants, les marchands, les bourgeois et quelques jeunes gens d’une classe plus élevée, la chute de cette prison d’Etat, et le premier triomphe d’une liberté orageuse. Français, Russes, Anglais, Danois, Allemands, Hollandais, tous, dans les rues, se félicitaient, s’embrassaient, comme si on les eût délivrés d’une chaîne trop lourde qui pesait sur eux. » (Ségur, Mémoires.)