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Avant la séance royale, je regardais Louis XVI avec admiration, parce qu’il a des vertus, qu’il ne marchait point dans la voie de ses pères, n’était point despote, et avait convoqué les États généraux. Au fond de ma province, j’avais lu dans la gazette sa belle parole : Qu’importe que mon autorité souffre, pourvu que mon peuple soit heureux ? Aurions-nous, m’étais-je dit, un roi plus grand que les Trajan, les Marc-Aurèle, les Antonin, qui n’ont point limité leur puissance ? J’aimais personnellement Louis XVI ; mais la monarchie ne m’était pas moins odieuse.

J’entends dire de tous côtés que la monarchie est nécessaire à la France, que la nation

    présentants de la nation, au milieu d’un million de citoyens, depuis la porte Saint-Honoré jusqu’à l’hôtel de ville, l’ivresse des patriotes, la fraternité qui respirait dans tous les visages, les mains des citoyens enlacées dans celles des militaires, ces fleurs, ces rubans que les femmes jetaient des croisées, ces cris infinis de Vive la Nation ! Que nous étions loin surtout de nous attendre à voir, le vendredi, Louis XVI, sans gardes, au milieu de 250,000 hommes de milice parisienne, tous les armes hautes, abaisser la fierté du premier trône du monde devant la majesté du peuple français, s’abandonner à la générosité de ce peuple, et des mains du premier maire de Paris, recevoir, attacher lui-même à son chapeau, et porter à sa bouche cette cocarde que, cinq jours auparavant, les plus courageux n’avaient prise qu’en tremblant et croyant se dévouer à une mort certaine. Ces trois jours sont les plus beaux de notre histoire, ils seront les plus beaux de ma vie.

    (Note de Desmoulins.)