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pas oublié. Mais le mérite dédaigne l’intrigue, au lieu qu’il y a des gens qui ne vont jamais au fond ; quoi qu’on fasse, ils se trouvent toujours sur l’eau.

Combien j’en pourrais nommer qui, venus à la onzième heure, ou même n’étant point venus du tout, ou même désespérés, et dans le secret de leur cœur gémissant sans cesse de la révolution, non-seulement ont osé demander les récompenses de ceux qui avaient devancé l’aurore et supporté seuls tout le poids du jour, mais qui leur ont envié jusqu’à la plus petite feuille de la palme qui leur était due[1] !

  1. Dans les Révolutions de Paris, journal où on a maltraité un peu la France libre, mais où respire à chaque page le patriotisme, et qui, de jour en jour, se fortifie en principes, combien j’aime l’obstination des efforts de l’auteur pour ne pas laisser tomber dans l’oubli les soldats qui se sont signalés à la Bastille ! Sans doute à la prochaine revue, on cherchera à la tête de la milice parisienne, les sieurs Hullin, Élie, Maillard, Humbert, Arné, Richard, Dupin ; on s’étonnera de ne pas les voir du moins à côté de Messires de Montholon, d’Ormesson, le prince Léon, le duc d’Aumont, de Lally-Tollendal, de Saint-Chrysteau ; et le public se rappellera ce que dit Tacite au sujet d’un salon de son temps, où les peintres n’avaient osé exposer les portraits de Brutus et de Cassius : Prœfulgebant Cassius et Brutus eo magis quod illorum effigies non visebantur. Les plus remarqués étaient Cassius et Brutus, précisément parce qu’ils ne s’y trouvaient point. Sans doute M. de Lafayette lavera Paris de ce reproche. Il a dans son cabinet, parmi les estampes de la guerre d’Amérique, celle où le comte d’Estaing embrasse, sur les murs de la Grenade, un soldat qui y était monté le premier, et le fait