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Qu’Ulysse, que Thersite même, ou que Stentor ravisse les armes d’Achille, qu’importe aux généreux patriotes qui ont bravé les supplices, en soulevant le peuple à la liberté, en appelant la nation aux armes ? Ils jouissent d’une récompense, la seule digne d’eux ; ils ont vu fuir les aristocrates ; ils voient la nation affranchie ; il ne peut manquer à leur bonheur qu’une seule chose, l’assurance que le peuple Français ne reprendra plus ses fers, qu’il ne retombera point d’une aristocratie dans une autre.

Mais il semble qu’on ne s’applique pas assez à étouffer tous les germes de l’aristocratie. Pourquoi ces épaulettes, cette pomme de discorde jetée dans les soixante districts ? Lorsqu’on n’a pris les armes que contre l’aristocratisme, c’est-à-dire, contre l’orgueil des distinctions, contre l’esprit de domination, pour

    capitaine, dans un temps où les soldats étaient exclus des grades militaires. Duces ex virtute sumunt, non ex nobilitate, dit encore Tacite, en parlant de nos ancêtres. Il n’y avait donc point de nobles chez nos vieux pères les Germains ; car, disent les nobles, que pouvons-nous faire à moins que d’être officiers ? Que pouvez-vous faire ? Montez les premiers à l’assaut, montrez-vous les premiers au péril ; alors vous serez les premiers au Te Deum et à la procession. On fait officiers, non ceux qui montrent du parchemin, mais ceux qui montrent du courage. Ô honte ! au dix-huitième siècle, en 1789, après la prise de la Bastille, les enfants si éclairés de ces barbares sont moins philosophes que leurs pères.

    (Note de Desmoulins.)