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du district Saint-Joseph, que tout le monde aurait le même uniforme, qu’il n’y aurait de marques distinctives qu’aux heures du service ; comment se peut-il que l’auteur d’une motion qui coupait les racines de tant de querelles,

    jamais souffrir que Miltiade eût une épaulette, et que les officiers fussent distingués des soldats. On peut penser que dans ces beaux jours de la République, le commandant général n’avait pas besoin de faire prêcher au théâtre, par les bouffons, la subordination militaire, ni d’aller faire des remercîments solennels à une compagnie qui avait fait le serment coupable de lui obéir aveuglément. Le soldat obéissait aujourd’hui, parce que demain c’était son tour d’être officier ; et quand l’ennemi était aux portes, le bourgeois, dont le tour était venu d’être généralissime, se gardait bien d’exposer sa patrie, en hasardant la bataille ce jour-là ; mais il attendait le jour de commandement de M. de Lafayette, qui battait Mardonius, lui tuait cent mille hommes, et revenait, avec sa couronne de laurier, prendre sa place de bourgeois dans le parterre, et disputer au café de Foi le veto. Telle est l’image de république et d’égalité que je me plais sans cesse à considérer.

    Et vous, mes chers camarades, gardes nationales, dites-moi, quelle est celle manie de vouloir être au moins un sous-lieutenant ? Est-ce que nous ne sommes pas maintenant tous égaux ? Quoi ! vous êtes les égaux des colonels, des ducs et pairs, de maréchaux de France, de princes du sang ; vous êtes les égaux du roi lui-même, puisque vous n’avez au-dessus de vous que la loi, qui règne aujourd’hui sur Louis XVI ainsi que sur vous ; vous êtes tous maintenant très hauts et très puissants seigneurs, quoique les auteurs du Journal de Paris et l’abbé Aubert persistent à ne reconnaître pour tels que certaines gens, confessent leur turpitude, et veuillent demeurer des vilains. Parisiens, voulez-vous n’être qu’un peuple de sous-lieutenants quand vous êtes un peuple de rois ?

    (Note de Desmoulins.)