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cipent tous du joueur ; ils en ont les tentations.

Or, l’affaire la plus lucrative qu’ils pouvaient trouver jamais, c’était d’être chargés de faire la banqueroute par exécution militaire. Cela était hasardeux. Mais quelle grande affaire sans hasard ! On gagne sur la tempête, on gagne sur l’incendie ; pourquoi pas sur la guerre et la famine ?

La famine et la guerre, je veux dire Foulon et Berthier, qui croyaient tenir Paris, se trouvaient déconcertés par la prise de la Bastille.

Le soir du 14, Berthier essayait de rassurer Louis XVI. S’il en tirait un petit mot, il pouvait encore lancer ses Allemands sur Paris.

Louis XVI ne dit rien, ne fit rien. Les deux hommes, dès ce moment, sentirent bien qu’ils étaient morts. Berthier s’enfuit vers le Nord, Foulon la nuit d’un lieu à l’autre ; il passa quatre nuits sans dormir, sans s’arrêter, et n’alla pas plus loin que Soissons. Foulon n’essaya pas de fuir ; d’abord il fit dire partout qu’il n’avait pas voulu du ministère, puis qu’il était frappé d’une apoplexie, puis il fit le mort. Il s’enterra lui-même magnifiquement (un de ses domestiques venait fort à point de mourir). Cela fait, il alla tout doucement chez son ami Sartines, l’ancien lieutenant de police.