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mot veto se trouvait dans toutes les bouches ; la question du veto passionnait tous les citoyens. « Eh bien, le veto ? — Est-il vrai que la reine veut le veto ? — Serions-nous menacés du veto, grand Dieu ! » Voilà ce qu’on se disait en s’abordant dans les rues, voilà ce qui faisait ressembler le Palais-Royal à une fournaise ardente, et remplissait la capitale d’un trouble mystérieux. Bientôt, cette haine du veto, colportée le long des grandes routes, pénétra dans les villes, se répandit de villages en villages et tint la France attentive, inquiète, frissonnante.

Que signifiait donc ce mot terrible. Il est certain que tous n’avaient pas une idée bien nette de ce qui leur était un sujet d’horreur. Il y en eut qui crurent haïr dans le veto un personnage dangereux. Un homme demanda de quel district il était ; un autre opina pour qu’on le mît à la lanterne. "Virieu assura, du haut de la tribune, que, parmi le peuple de Paris, le veto passait pour un impôt, et il raconta que deux habitants de la campagne parlant un jour du veto, l’un dit à l’autre : « Sais-tu ce que c’est ? — Non. — Eh bien, tu as ton écuelle remplie de soupe ; le roi te dit : Répands ta soupe, et il faut que tu la répandes. »

Qu’on ne se hâte pas de sourire. Eh ! sans doute, le veto était un personnage dangereux : c’était le roi pouvant dire non, quand la na-