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tion avait dit oui. Le veto était un impôt et le plus funeste de tous ; il livrait à la volonté d’un seul, non pas seulement l’argent du peuple, mais son sang et sa vie. « Le roi dit : Répands ta soupe, et il faut que tu la répandes. » C’était bien cela en effet, et le comte de Virieu ne prévoyait pas qu’un jour le monde, parvenu à l’âge de raison, mettrait fort au-dessus des savants sophismes des partisans du veto, cette vive image, cette saillie à la fois si originale et si profonde, du bon sens populaire ! « Il n’y avait rien de risible en ceci que les moqueurs, » a écrit excellemment M. Michelet.

… Le soir, la foule se pressait, s’entassait au Palais-Royal, grossie encore par l’oisiveté du dimanche. Du café de Foy partaient des clameurs qui se prolongeaient d’échos en échos, au travers de la multitude émue. Là dominaient Loustalot, Camille Desmoulins, le baron de Tinstot, le marquis de Saint-Huruge. Une tête énorme, un corps trapu, un geste brutal, des idées pleines de fièvre servies par une voix retentissante, faisaient de ce dernier un agitateur en vue. Les vengeances d’une jolie femme, puissante à la cour, l’avaient en 1787, jeté en Angleterre, d’où il rapporta, contre l’ancien régime, une haine aigrie par l’exil. Il devint suspect plus tard, en attendant il était tribun.

(L. Blanc, Rév. fr., t. III.)