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mille revint à une heure ; il s’endormit sur mon épaule. Madame Danton était à côté de moi, qui semblait se préparer à apprendre la mort de son mari. « Non, me disait-elle, je ne puis plus rester ici. » Le grand jour étant venu, je lui proposai de venir se reposer chez moi. Camille se coucha. Je fis mettre un lit de sangle dans le salon avec un matelas et une couverture, elle se jeta là-dessus et prit quelque repos. Moi, je fus me coucher et m’assoupir au son du tocsin qui se faisait entendre de tous côtés. Nous nous levâmes. Camille partit en me faisant espérer qu’il ne s’exposerait pas. Nous fîmes à déjeuner. Dix heures, onze heures passent sans que nous sachions quelque chose. Nous prîmes quelques journaux de la veille, assises sur le canapé du salon, nous nous mîmes à les lire. Elle me lisait un article, il me semblait pendant ce temps que l’on tirait le canon. J’en entendis bientôt plusieurs coups sans en rien dire ; ils devinrent plus fréquents. Je lui dis : « On tire le canon ! » Elle écoute, l’entend, pâlit, se laisse aller et s’évanouit. Je la déshabillai. Moi-même, j’étais prête à tomber là, mais la nécessité où je me trouvai de la secourir me donna des forces. Elle revint à elle. Jeannette criait comme une bique. Elle voulait rosser la M. V. Q., qui disait que c’était Camille qui était la cause de tout cela. Nous entendîmes crier et pleurer dans la rue, nous