Page:Oeuvres de Camille Desmoulins - Tome 1.djvu/342

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 144 —

crûmes que Paris allait être tout en sang. Nous nous encourageâmes, et nous partîmes pour aller chez Danton. On criait aux armes, et chacun y courait. Nous trouvâmes la porte de la Cour du Commerce fermée. Nous frappâmes, criâmes, personne ne nous venait ouvrir. Nous voulûmes entrer par chez le boulanger, il nous ferma la porte au nez. J’étais furieuse ; enfin on nous ouvrit. Nous fûmes assez longtemps sans rien savoir. Cependant on vint nous dire que nous étions vainqueurs. À une heure, chacun vint raconter ce qui s’était passé. Quelques Marseillais avaient été tués. Mais les récits étaient cruels. Camille arriva et me dit que la première tête qu’il avait vue tomber était celle de Suleau. Robert était à la Ville et avait sous les yeux le spectacle affreux des Suisses que l’on massacrait. Il vint après le dîner, nous fit un affreux récit de ce qu’il avait vu, et toute la journée nous n’entendîmes parler que de ce qui s’était passé. Le lendemain 11, nous vîmes le convoi des Marseillais. Ô Dieu ! quel spectacle ! Que nous avions le cœur serré. Nous fûmes, Camille et moi, coucher chez Robert. Je ne sais quelle crainte m’agitait ; il me semblait que nous ne serions pas en sûreté chez nous.

Le lendemain 12, en rentrant, j’appris que Danton était ministre…